« Le vaccin à ARN nous rend OGM », vraiment ?

19 mars 2021
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19 mars 2021 Louise Sudour

La France, pays de Pasteur, est aussi le pays qui regroupe le plus de réticents face à la vaccination contre la Covid-19. L’arrivée sur le marché d’un nouveau type de vaccin, le vaccin à ARN messager (ou ARNm), suscite des questionnements et inquiétudes. Comment fonctionne ce nouveau vaccin ? Quels sont ses avantages et inconvénients ? Le vaccin à ARNm modifie-t-il notre génome faisant de nous des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) ?

Voici quelques explications pour vous éclairer sur le sujet et lutter contre les idées-reçues.

En s’appuyant sur les études d’Edward Jenner, Louis Pasteur, biologiste français, met au point le premier vaccin contre la rage en 1885.
Louis Pasteur (à gauche), assiste à la toute première vaccination de l’Histoire : Joseph Meister, jeune garçon de 9 ans mordu 14 fois par un chien se fait immuniser contre la rage.

Comment fonctionne un vaccin ?

Le but d’une vaccination antivirale est de préparer notre organisme à une infection par un virus, pour éviter le développement de la maladie qui y est associée. Ceci est obtenu grâce à l’injection dans l’organisme d’une forme inactivée du virus ou de ces composants. Ainsi, notre système immunitaire, exposé au « faux virus », développe des cellules dites « mémoires ». Lorsque le véritable virus surgira, celles-ci seront alors capables de le reconnaître et de le combattre plus rapidement, avant même l’apparition des premiers symptômes. Il s’agit en fait d’un leurre préventif.

Vidéo d’animation 3D (réalisation : Com par l’image) expliquant le fonctionnement de la vaccination contre un virus (ici virus de la grippe). 

En quoi le vaccin à ARNm (*) est-il différent d’un vaccin « classique » ?

Récemment, dans le cas de la maladie Covid-19 provoquée par le virus SARS-CoV-2, un tout nouveau type de vaccin à été mis sur le marché : le vaccin à ARNm (*). C’est le cas pour les vaccins mis en place par Pfizer-BioNTech et par Moderna. Ce nouveau type de vaccin a le même objectif de « mémoire immunitaire » qu’un vaccin classique mais n’agit pas exactement de la même façon. Cette fois, il s’agit de faire produire les fragments viraux directement par les cellules de l’individu vacciné, plutôt que de les fabriquer en laboratoire puis de les inoculer. En effet, notre machinerie cellulaire est capable de lire l’information génétique détenue par l’ARNm fourni, pour fabriquer elle-même les « protéines de leurre » correspondantes.

Quels sont les avantages du vaccin à ARNm ?  

Faire produire des protéines virales (ces fameux leurres) par les cellules du patient évite certaines étapes complexes de « fabrication » en laboratoire d’un virus inactivé. Synthétiser seulement le brin d’ARNm nécessaire est beaucoup plus simple, rapide et adaptable à n’importe quel type de virus tant que son code génétique est connu.

De plus, du fait que le vaccin soit fait d’ARNm (Acide RiboNucléique), le système immunitaire est stimulé sans qu’il y ait besoin d’ajouter des substances supplémentaires pour renforcer l’efficacité vaccinale. Ces substances appelées adjuvants ont été quelquefois incriminées parce qu’elles déclenchaient des réactions auto-immunes. De ce fait, les vaccins à ARNm dénués d’adjuvants sont mieux tolérés par l’organisme.

Comment a-t-on pu mettre au point un nouveau type de vaccin si rapidement ?

La vaccination – Com par l’image

La fabrication d’un vaccin passe par de nombreuses phases de validation et d’essais cliniques qui durent souvent plusieurs dizaines d’années. Néanmoins, face à la pandémie de la Covid-19, la recherche d’un vaccin s’est avérée urgente et prioritaire. Les candidats vaccins à base d’ARNm ont été mis en place dans des temps records et ont suscité des questions au sein de la population : « Ses nouveaux vaccins sont-ils dangereux ? Comment agissent-ils dans notre corps humain ? Cette nouvelle méthode à ARNm modifie-elle notre génome ? ». Si c’est la première fois que les vaccins ARNm infectieux sont utilisés chez l’humain, ils sont connus et étudiés depuis de nombreuses années. Le temps et l’argent consacrés à la recherche d’un tel vaccin contre le SARS-CoV-2 expliquent la rapidité de sa mise en place. Mais, rassurez-vous, les protocoles éthiques habituels ont évidemment dû être respectés.

« Le nouveau vaccin à ARNm est susceptible de modifier notre génome », vraiment ?

À la suite d’une vaccination contre la Covid-19, devenons-nous des Organismes Génétiquement Modifiés ? Le fait que du matériel génétique sous forme d’ARNm modifié par l’Homme soit inoculé au patient peut très vite éveiller de fausses idées-reçues. Néamoins, plusieurs faits biologiques justifient que l’ARNm inséré dans notre organisme ne modifie pas notre génome (c’est-à-dire notre information génétique contenue dans notre ADN) :

  • L’ARNm est rapidement détruit après avoir été lu par la machinerie cellulaire du patient. Il ne perdure pas dans nos cellules.
  • L’information contenue dans l’ARNm ne peut pas être transmise d’une génération à l’autre. En effet, l’injection du vaccin est locale et n’atteint pas les cellules des organes reproducteurs.
  • Dans tous les cas, l’ARNm reste dans le cytoplasme des cellules (lieu de production des protéines) et n’intègre pas le noyau contenant notre ADN.
  • Chez l’être humain, L’ARNm ne peut pas se transformer en ADN. En effet, nous ne possédons pas l’enzyme nécessaire à cette action. Aucun gène étranger ne peut alors s’inséré dans notre génome.
  • Les cellules recevant et produisant les protéines virales sont rapidement détruites par le système immunitaire. L’ARN étranger ne reste donc pas longtemps dans l’organisme : juste assez de temps pour servir de matrice à la production de protéines et déclencher une réaction immunitaire contre ces protéines, avant d’être éliminé.

Ainsi, même après l’injection du vaccin, le noyau de nos cellules continue à ne contenir que notre ADN humain naturel.

Quelle est la difficulté technique d’un vaccin à ARNm ?

Si la fragilité des ARNm est un argument quant à sa courte présence dans l’organisme, c’est aussi une difficulté face à la gestion des stocks de vaccin. Au-delà d’une certaine température, les ARNm peuvent se « casser ». C’est pour cette raison qu’il est essentiel de conserver ces vaccins à des températures très négatives.

Où en est-on ? La vaccination des français en quelques chiffres.

Pour que la vaccination d’un patient soit complète, deux doses espacées de trois semaines doivent être administrées.

Selon les chiffres du Ministère de la Santé, à ce jour (15/03/2021), seulement 3,37% des français ont reçu les deux doses de vaccin nécessaires. 7,90% ont reçu au moins une dose. Un gros effort au niveau de la campagne de vaccination est donc nécessaire si l’on souhaite atteindre l’immunité collective (plus de la moitié des français restent à vacciner).

La France étant actuellement dans une situation d’urgence face à la vaccination, les personnes ayant déjà contracté le virus ne reçoivent qu’une seule dose de vaccin. En effet, leur organisme a déjà été en contact avec le virus, ce qui peut « remplacer » en quelque sorte la première dose de vaccin.

Pour suivre en temps réel l’évolution des données du Ministère de la Santé, vous pouvez vous rendre sur le site https://covidtracker.fr/vaccintracker/

 

(*) ARNm : molécule d’acide ribonucléique dit « messager », transportant l’information génétique nécessaire pour la synthèse de protéines.

Sources :

https://presse.inserm.fr/les-vaccins-a-arnm-susceptibles-de-modifier-notre-genome-vraiment/41781/

https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2034577?query=featured_home

https://www.pasteur.fr/fr/sars-cov-2-covid-19-institut-pasteur/projets-recherche/covid-19-vaccin-adn

https://covidtracker.fr/vaccintracker/

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3237456/fr/une-seule-dose-de-vaccin-pour-les-personnes-ayant-deja-ete-infectees-par-le-sars-cov-2

Louise Sudour
Médiatrice Scientifique

à Com par l’image